A travers un documentaire diffusé ce mercredi 3 septembre sur M6, Céline Dion raconte les coulisses de son album mythique culte D’eux, réalisé aux côtés de Jean-Jacques Goldman il y a 30 ans.
Céline Dion raconte D’eux
Illustré par une multitude d’images d’archives mais aussi par une interview inédite de Céline Dion tournée en mai 2025 à Las Vegas, ce documentaire d’1h48 décrypte les coulisses de la collaboration entre l’artiste québécoise, alors à ses débuts, et Jean-Jacques Goldman, déjà incontournable du paysage musical français.
Un vélo, du yaourt en tube et des larmes
L’histoire de D’eux commence par un coup de foudre artistique. Impressionné par le talent de Céline Dion, qu’il découvre à la télévision, Jean-Jacques Goldman contacte René Angelil, pour proposer à la Québécoise de participer au concert des Enfoirés en 1994. Sous le charme de sa voix, l’artiste prend une décision audacieuse: imaginer pour Céline Dion un album taillé sur mesure, D’eux.
Au printemps 1994, les deux artistes se retrouvent donc au studio Hauts de Gammes, à Boulogne-Billancourt pour enregistrer les maquettes de ce projet. Céline Dion s’attend à voir arriver Goldman entouré d’un chauffeur et d’assistants, mais la réalité est toute autre.
« Je n’oublierai jamais », assure-t-elle. « Il arrive en vélo avec son yaourt en tube. Je lui dis: ‘Qu’est-ce que tu manges là, toi?’ Je n’avais jamais vu ça. Nous autres, on a besoin d’une cuillère pour manger du yoghourt (…) Lui, il met son yaourt en tube. Je lui dis: ‘Tu manges de la pâte à dents, qu’est-ce c’est ça?' »
Très professionel, Jean-Jacques Goldman s’installe alors dans un coin du studio et sort son « computer » pour faire écouter à Céline et à René les chansons qu’il a imaginées, seul, uniquement accompagné d’un piano, d’une guitare et d’une boîte à rythme. Il lance la session d’écoute avec Pour que tu m’aimes encore. La réaction est immédiate: Céline et René fondent en larmes, à la stupéfaction du musicien.
« On pleurait parce qu’il avait fait le boulot tellement profond », confie Céline Dion. « C’était tellement moi, tellement près de toutes mes cordes, de toutes mes émotions de toute ma vie. (…) C’était magique. Un cadeau sans prix ».
Apprendre à « dé-chanter »
Avant D’eux, Céline Dion était déjà reconnue pour sa puissance vocale, mais en Amérique du Nord, on la voyait surtout comme une chanteuse à voix, livrant des performances spectaculaires, généreuses en fioritures et en effets dramatiques.
« Chanter en anglais, c’est au plafond tout le temps et il faut toujours en mettre. T’as jamais de yaourt et jamais assez de crème fraîche », souligne Céline Dion dans le documentaire.
Mais Jean-Jacques Goldman, lui, perçoit autre chose. Derrière la voix puissante de la chanteuse québécoise, l’auteur et compositeur décelle une émotion brute, qu’il souhaite exploiter.
Lors des séances en studio à Paris, sous la direction musicale d’Erick Benzi, où sont enregistrées parfois jusqu’à trois chansons à la journée et souvent ponctuées par des parties de ping-pong, Goldman va alors faire une demande suprenante à Céline Dion: qu’elle apprenne à « dé-chanter ».
« Il me dit: ‘je vais de demander un truc, est-ce que tu peux ‘dé-chanter » », se souvient la chanteuse. Autre demande du compositeur: ne pas rouler les R. Un ajustement presque imperceptible, qui va permettre à Céline Dion de distinguer les 12 morceaux de cet album du reste de ses performances.
« Il me dit: ‘Ne roule pas tes R’ (…) J’ai dit: ‘Ok Jean Jacquesrrr Goldmanrrrr’. Alors j’ai déchanté et j’ai enlevé tous les R. Et là, c’était extrrrraorrrrdinairrre », plaisante Céline Dion.
Le clip de « Pour que tu m’aimes encore », tourné à Pigalle
Afin d’accompagner la sortie de l’album, Jean-Jacques Goldman a l’idée d’un clip pour la chanson Pour que tu m’aimes encore. « La seule indication que m’a donnée Goldman c’est: ‘j’aimerais voir Céline Dion marcher folle dans la rue », se souvient Michel Meyer, en charge de la réalisation de la vidéo, qui a obtenu une nomination aux Victoires de la Musique.
« Naturellement est venue l’idée d’une femme totalement pertubée par la fin de son amour et qui est prête à tout pour le récupérer », indique le réalisateur.
Dans sa quête désespérée pour regagner l’amour perdu, Céline Dion se risque à de la sorcellerie et des rituels vaudous. Mais rapidement l’expérience tourne mal et elle met le feu à sa maison, contrainte de fuir et de tituber seule dans la rue, en peignoir.
Dans le documentaire de M6, Michel Meyer révèle ainsi que ces scènes, où Céline Dion marche, chancelante, dans la nuit – que l’on peut voir dans les dernières minutes du clip – ont été tournées à Pigalle, sur le boulevard de Clichy, dans le 18e arrondissement de Paris.
« C’était en mars 1995, et il faisait assez froid », indique Michel Meyer. « Elle marchait le long des devantures (…) dans un quasi anonymat. Personne n’a réagi et n’a même remarqué que c’était elle. De nos jours si je faisais la même chose avec elle, ça serait une émeute ».
Sa mère a pleuré en écoutant « Je sais pas » pour la première fois
Parmi les morceaux cultes de l’album D’Eux figure Je sais pas. Dans ce titre, Céline Dion raconte qu’elle a accompli beaucoup de choses extraordinaires dans sa vie et qu’elle est prête à en vivre encore d’autres, mais avoue pourtant qu’elle est incapable de vivre sans la personne qu’elle aime.
Choisie comme deuxième single de l’album, la chanson a immédiatement marqué le public, mais aussi l’entourage de Céline. Dans le documentaire, la chanteuse se souvient du moment précis où sa mère Thérèse l’a fait écouter pour la première fois à son frère Michel.
« Ma mère était assise à côté de mon frère Michel », détaille l’artiste dans une interview radio d’archive diffusée dans le documentaire. « Et elle dit à Michel: ‘attends d’écouter l’album de Céline. Il y a une chanson qui s’appelle ‘Je sais pas' ».
« J’ai commencé à voir le menton de ma mère vibrer, elle a mis ses verres fumés et je voyais des grandes larmes couler sur ses joues. Elle lui décrivait la chanson (…) et elle pleurait. J’ai été vraiment très émue de voir ma mère comme ça », confie Céline Dion.
L’enregistrement de la chanson « Vole » a été improvisé en studio
En parcourant les interviews de Céline Dion pour trouver des inspirations pour l’album, Jean-Jacques Goldman découvre à quel point la chanteuse a été marquée par un drame personnel: la mort de sa nièce Karine, la fille de sa sœur Lisette, emportée à seulement 16 ans par la mucoviscidose.
Touché par cette douleur, il imagine alors une chanson en hommage à l’adolescente, qu’il intitule Vole. Mais par pudeur et par respect, il garde l’idée pour lui, attendant la toute fin des séances d’enregistrement de l’album D’Eux pour en parler à René Angélil.
« Il m’a appelé. Il m’a dit: ‘tu sais René, j’en ai une autre de chanson mais j’ai pas osé la jouer parce que je voulais pas troubler Céline. Elle s’appelle ‘Vole », indique René Angelil. « Il me dit: ‘penses-tu que je peux la jouer?’ J’ai dit: ‘bah oui, évidemment' ».
Ce jour-là, Jean-Jacques Goldman veut capter l’émotion brute de Céline Dion à la découverte de cette chanson. Il propose alors à la chanteuse d’interpréter Vole, sans préparation, directement en studio.
« Je voulais qu’elle la chante comme ça, qu’elle n’ait pas à la juger et qu’ensuite elle la jette ou elle la garde. Mais je voulais qu’elle soit comme ça, avec cette émotion là », confie Jean-Jacques Goldman dans des images d’archives diffusées dans le documentaire.
Présent en studio lors de l’enregistrement de Vole, l’arrangeur Roland Romanelli n’a rien oublié de cette séance hors du commun. « C’était de l’improvisation », précise-t-il. « Ça aurait pu être catastrophique mais je vous avoue honnêtement que (…) j’étais tout tremblant ».
Mais dès le début du titre, Céline Dion se retrouve submergée par ses émotions. « On a commencé à l’enregistrer directement et au bout d’une minute 30, une minute 40, elle (Céline Dion) s’arrête en pleurs », révèle Roland Romanelli.
Après une courte pause, la chanteuse retourne en studio et reprend l’enregistrement. Mais au même endroit, les larmes reviennent. Il faudra une troisième tentative pour que Céline Dion parvienne finalement à surmonter ses émotions et à tenir la chanson jusqu’au bout.
« Et là, j’ai pu enfin reprendre mon souffle. On a écouté et c’était parfait. (…) C’est le summum de ce que j’ai pu vivre avec elle (Céline Dion) », conclut Roland Romanelli.